Abissa : Voyage au cœur de la tradition Nzima de Grand-Bassam
Chaque année, le quartier France de Grand-Bassam, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, vibre au rythme de l’Abissa, une fête traditionnelle Nzima qui célèbre le nouvel an. Retour sur une expérience inoubliable, où traditions, danses et communion se mêlent dans une ambiance exceptionnelle, avec pour point d’orgue la sortie du roi et du tam-tam sacré, l’Edo ngbolé. Dans cette atmosphère intense, nous avons vécu des moments forts qui marquent l’héritage de ce peuple.
Les origines de l’Abissa
L’Abissa, fête emblématique des Nzima, trouve ses racines dans une légende ancienne transmise de génération en génération. Laquelle raconte qu’un jeune chasseur, nommé Nvavilé, fut attiré par des sons mystérieux de tam-tam lors d’une partie de chasse. En suivant ces vibrations envoûtantes, il tomba sur des génies célébrant une danse secrète. Captivé, Nvavilé fut toutefois découvert par les esprits, qui, au lieu de le punir, conclurent un pacte avec lui : il devait organiser cette célébration chaque année pour protéger son peuple du malheur. Depuis lors, cette tradition est perpétuée par la famille Nvavilé, détentrice de l’Edo ngbolé, le tam-tam sacré, garant de la prospérité des Nzima. La fête de l’abissa connaît deux moments forts, notamment le Siedou, ou semaine silencieuse, invite les populations à un recueillement introspectif. Ce n’est que pendant la deuxième semaine, appelée Gouazo, que l’effervescence prend place.
Une structure sociale solidaire
Le peuple Nzima Kôtôkô est structuré en sept familles, chacune symbolisée par un élément naturel et dotée de rôles spécifiques au sein de la communauté. Les Ndwéafo, associés au feu, incarnent les valeurs d’humilité, d’amour et de fidélité. Les Ezohilé, symbolisés par le riz, sont reconnus pour leur expertise en gouvernance et gestion des conflits. Vient ensuite la famille Mafolè, symbolisée par l’or et l’argent, qui représente richesse et esprit entrepreneurial. Les Nvavilé, liés au maïs, sont experts en critique sociale et politique. Les Adanonlè, associés au palmier, contribuent à l’autosuffisance alimentaire, tandis que les Allonhomba, symbolisés par le raphia, œuvrent pour la construction sociale. Enfin, les Azanwulè, incarnant l’igname, cultivent l’unité et la solidarité au sein de la communauté. Ce tissu social fort et solidaire fait de l’Abissa un moment de communion où chaque famille apporte sa pierre à l’édifice.
Le grand jour
Comme à chaque célébration, la sortie du roi et du tam-tam sacré se déroule le mardi de la semaine du Gouazo. Ce 29 octobre 2024, Sa Majesté Amon Tanoé Désiré, roi des Nzima Kôtôkô, a tenu à accueillir ses hôtes avec honneur. Dans une salle du palais royal, parfaitement climatisée, il a reçu différentes délégations, dont l’une venue du Ghana voisin et l’autre du royaume baoulé de Côte d’Ivoire, conduite par son roi, Sa Majesté Nanan Kouakou Djè II. La réception, fidèle à la pure tradition akan, s’est conclue par un déjeuner.
Pendant ce temps, l’effervescence régnait dans les rues du quartier France, parées pour l’occasion de leurs plus beaux atours. Les visiteurs affluaient, déguisés et maquillés, tandis que l’enthousiasme grandissait autour de la place de l’Abissa, déjà remplie de monde. Personne ne souhaitait manquer cet événement d’une importance capitale pour le peuple Nzima.
À quinze heures trente, l’excitation était à son comble lorsque l’Edo ngbolé, précieusement gardé par la famille Nvavilé, fit son entrée sur la place, déclenchant une vague de chants et de danses. La délégation ghanéenne ouvrit les festivités, accueillie avec ferveur au rythme des pulsations du tam-tam. Puis, le roi des Baoulés et sa cour firent leur apparition. L’ambiance atteignit son apogée à la vue du cortège de sa Majesté Amon Tanoé Désiré, porté par ses sujets et avançant majestueusement vers la place de l’Abissa. Après avoir adressé ses salutations aux populations, le roi s’installa confortablement dans le fauteuil qui lui a été réservé, déclarant ainsi ouvertes les festivités.
Le tam-tam sacré résonna sans relâche, tandis que les tambourineurs l’animaient de sons enivrants, inspirant une multitude de pas de danse. Le ton était donné, et plusieurs groupes de la communauté se succédèrent pour danser et célébrer l’Abissa 2024. Une fête qui se poursuivit toute la semaine.
Bien plus qu’un simple festival, l’Abissa incarne l’âme d’un peuple. Ne manquez pas les prochaines éditions pour une véritable immersion dans l’histoire vivante des Nzima de Grand-Bassam.
Texte : Mano