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Hommage : Trois géants de l’art ivoirien nous quittent

Le monde de l’art ivoirien traverse une période de deuil profond avec la disparition de trois de ses figures les plus emblématiques : Monné Bou, peintre, Mahé Djiré, sculpteur, et Samir Stenka, peintre. Monné Bou et Mahé Djiré nous ont quittés les 17 et 18 novembre 2024, respectivement à l’âge de 80 et 73 ans, suivis de Samir Stenka, qui s’est éteint le 24 novembre. 

À travers leurs œuvres et leur vision, ces maîtres ont marqué l’histoire de l’art en Côte d’Ivoire et au-delà. Leur disparition laisse un vide immense, mais leur héritage artistique continuera de rayonner à travers leurs créations.

Monné Bou et la technique du jet

Né en 1944 en Côte d’Ivoire, Monné Bou a révolutionné l’art ivoirien par sa technique unique du jet. Cette méthode consistait à projeter la peinture sur la toile sans la toucher, créant ainsi des œuvres vibrantes, spontanées, et chargées d’émotion. Par cette approche innovante, il a su capturer l’énergie et la beauté de la vie quotidienne, des paysages ivoiriens, et des traditions africaines.

Monné Bou n’était pas simplement un peintre, il était un poète des couleurs. Ses œuvres, imprégnées de rythme et de fluidité, s’inspiraient aussi bien du jazz que de la réalité de son environnement. Les silhouettes féminines, les enfants et les scènes de la vie de tous les jours étaient ses muses, traversées par une énergie fulgurante et une sensibilité rare. Au-delà de la technique, Monné Bou a su fusionner art traditionnel et art moderne, devenant ainsi un pionnier dont l’œuvre transcende les frontières culturelles. Son engagement envers l’art ivoirien et africain restera à jamais gravé dans l’histoire de l’art.

Mahé Djiré : l’homme qui recyclait les objets laissés au rebut

Sculpteur plasticien et psychothérapeute, Mahé DJIRE était un artiste engagé pour la culture de la paix et la protection de l’environnement. Spécialiste du recyclage et de l’assemblage, il offrait une seconde vie aux objets abandonnés, créant des sculptures qui alliaient esthétisme et message écologique. Chaque œuvre de Mahé Djiré portait un double symbole : celui de la résilience humaine et celui de la préservation de notre planète.

Ses sculptures, qui allaient des pièces en fer forgé aux poupées en tissu, étaient des invitations à réfléchir sur la nature, l’humanité, et la protection de notre environnement. À travers son art, Mahé Djiré cherchait à guérir non seulement les objets, mais aussi les âmes. Sa résidence privée a été transformée en un « Musée de la Paix », afin de perpétuer son engagement et offrir un espace de dialogue sur la paix et la préservation de la nature. Ancien psycho-socio-ergothérapeute, Mahé Djiré a également dédié une partie de sa vie à l’accompagnement des personnes souffrant de troubles mentaux, renforçant ainsi l’humanisme qui transparaît dans son travail artistique.

Samir Stenka : le peintre de l’âme africaine

Samir Jacques Stenka, né le 3 novembre 1945 à Bingerville, était une figure incontournable de la peinture africaine. Il a parcouru un chemin brillant, remportant de nombreux prix et laissant derrière lui un héritage artistique impressionnant avec plus de 35 000 œuvres à son actif. Son art, profondément ancré dans la tradition africaine, mettait en avant des thèmes universels, souvent centrés sur la figure féminine en tant que mère et prêtresse, symbolisant la sagesse et la force de la culture africaine.

Stenka était également un homme de valeurs et d’engagement. Son amour pour la nature, les êtres humains, et son respect de la tradition africaine se retrouvent dans chaque toile qu’il a réalisée. Il a vécu à Bingerville, entouré de ses œuvres, et il était connu pour son attachement profond à chaque pièce. Sa carrière, marquée par un parcours exceptionnel, a été célébrée à plusieurs reprises, notamment lors des expositions organisées pour ses 60 ans de carrière. Même après avoir été frappé par un AVC en 2008, Stenka n’a jamais cessé de créer, faisant de lui un modèle de persévérance et de passion pour l’art.

Ces trois géants, par leur talent, leur engagement et leur vision unique, ont forgé une partie essentielle de l’identité artistique de la Côte d’Ivoire. Leurs œuvres continueront d’inspirer, de fasciner, et d’élever les consciences. Ils ne seront plus parmi nous, mais leur héritage artistique vivra à travers chaque tableau, chaque sculpture, chaque œuvre qu’ils ont laissée derrière eux. Reposez en paix, maîtres de l’art ivoirien, vous resterez à jamais une source d’inspiration et de lumière.

Texte : Mano

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