Voyage: Bondoukou, la ville aux mille mosquées
Chef-lieu de la région administrative du Gontougo et la capitale du district Zanzan, au nord-Est de la Côte d’Ivoire, Bondoukou se situe à 416 km d’Abidjan. Surnommé la ville aux milles mosquées, Bondoukou est aussi riche de ses monuments ancestraux.
L’histoire de la création de la ville elle-même remonte aux environs des années 1043. On la surnomme « ville aux mille mosquées ». Ce surnom s’explique par le fait qu’en moyenne, chaque famille musulmane, et il y en a plus de mille à Bondoukou, possèderait une mosquée dans sa cour. Bien que les gens associent souvent la ville au peuple Bron, il convient de noter qu’il y a une douzaine d’ethnies dans la région, notamment les Lorhon, les Nafana, les Gbin, les Bron, les Lobi, les Koulango, les Degha, les Djimini, les Gorombo, les Ligbi, les Noumou, et les Dioula.
L’histoire de la ville est marquée par des vestiges d’une époque glorieuse. Si certains sont complètement en ruine, leurs traces encore visibles captent l’attention des visiteurs. Parmi ceux-ci, l’on peut citer le musée des arts et traditions, la mosquée de Samory Touré, la maison du gouverneur Binger, la première case de Bondoukou ainsi que le village de Soko où vous pourrez découvrir ses singes sacrés.
La mosquée de Samory Touré
Situé non loin de la « case » de Binger, ce bâtiment a une allure plus imposante, bien qu’il porte lui aussi les marques du temps et témoigne d’un manque d’entretien évident. Il est difficile de dire avec certitude si l’Almamy a réellement habité cette maison. Certains affirment qu’il y a prié lors de son passage à Bondoukou, tandis que d’autres soutiennent qu’il n’y a même pas passé une nuit. C’est qu’Aboubacar Touré, un riche commerçant de l’époque faisant des affaires entre le Mali, le Ghana et le Burkina Faso, dit qui est à l’origine de cet édifice construit en 1800.
Cette résidence serait ainsi la toute première maison de la ville construite sur deux niveaux. Les restes de l’ancien étage, soutenu par un jeu de poutres en rôniers, ainsi que quelques marches de l’escalier en terre battue menant au second niveau de la maison, en témoignent. Pour assurer une meilleure étanchéité, les briques de terre utilisées pour la construction du bâtiment ont été mélangées à du beurre de karité. Aujourd’hui, tout comme la maison de Binger, la maison de Samory est une ruine à ciel ouvert, où l’état de délabrement avancé ne permet plus une identification précise des différentes pièces qui la composaient autrefois.
La première case de Bondoukou
Considérée comme le « cœur » de la capitale du Zanzan, la première case de Bondoukou aurait été érigée par un certain Taki Adré. Pour y accéder, il faut s’adresser au roi des Gbins, actuellement Kouassi Yao Dabila, dont la cour se trouve non loin de l’édifice. Juste à côté de la case se trouve la tombe du second roi des Gbin, peuple fondateur de la ville, où se déroule le rituel du « dagafiago » ou « culte du feu » marquant le Nouvel An local, suivi de prières, d’offrandes et de libations.
La maisonnette conserve son toit, restauré à plusieurs reprises, ainsi que les parois d’un mur circulaire qui reçoivent parfois des couches de kaolin blanc. Au fil du temps, cette maison est devenue sacrée et objet de culte. Les Gbins n’y pénètrent qu’une fois par an pour y offrir des sacrifices, à une date tenue secrète, bien que souvent associée au 25 décembre. Ce rituel annuel vise à protéger la ville des malheurs de toutes sortes.
La maison de Binger
La maison de Binger, dont il ne reste que des vestiges, se trouve au cœur d’une petite cour familiale. Louis-Gustave Binger y aurait été accueilli en décembre 1888, deux mois après l’arrivée de Marcel Treich-Laplène, par un riche marchand d’esclaves du nom de Moustapha Ouattara. Le temps et les intempéries auront eu raison de cette bâtisse. Toutefois, la doyenne de la concession persiste à conserver les reliques de cette époque. Construite en terre battue, elle présente des claustras triangulaires qui évoquent le style architectural soudanais. Aujourd’hui, elle est utilisée comme lieu de stockage pour le bois de chauffage, les bouteilles vides et les ustensiles hors d’usage. Seul témoignage de la présence de Binger, un panonceau de ciment affiche en lettres manuscrites : « Ici logea le capitaine Binger lors de sa première exploration de la Côte-d’Ivoire en 1888 ».
Le musée des arts et traditions
Classé monument historique par l’Etat, le musée des arts et traditions se distingue par son architecture. Situé à un point de croisement des quatre principales artères de la ville, l’édifice occupe l’emplacement du tout premier marché de Bondoukou. Ce marché a cessé ses activités en 1971, après de la construction du marché central actuel. Abandonné pendant 18 ans, le bâtiment a été rénové en 1989, passant de la terre cuite à une structure renforcée en ciment. Cette transformation n’a pas altéré son plan d’origine, qu’on retrouverait également au Mali, notamment à Bamako et à Sikasso. Ayant désormais fière allure, l’esplanade du musée a baptisée ‘’place de la république’’. Elle sert à l’organisation de plusieurs cérémonies. Aussi dans la cour, se trouve la première machine à charbon ayant servi pour le bitumage de la ville.
Les singes sacrés de soko
Soko, est un village du département de Bondoukou situé à la frontière avec le Ghana. Il doit sa célébrité à ses singes. Des primates qui depuis plusieurs siècles cohabitent avec les villageois. De passage dans cette contrée, certaines personnes y marquent un arrêt pour vivre leur propre expérience. La légende continue cependant d’alimenter l’origine de ces primates. Une visite dans ce village a permis de rencontrer l’un des dépositaires de l’histoire véritable de ces singes. Il s’agit du doyen Ouattara Adama dit Katanga, qui est le conseiller du chef du village.
D’entrée, il dément la conception selon laquelle ces singes seraient des morts réincarnés. Une explication qui surement s’appuie sur le fait que ces singes vivent à proximité d’un cimetière.
L’histoire de ces singes remonte selon lui, à une époque très ancienne. Tolè Mêla, un chasseur d’éléphant quittait son village Wolkehi pour chasser sur les terres de soko. Habitué à ce territoire, il décide un jour de s’y installer. Il trouvera sur place ces singes. Paradoxalement, il n’a jamais osé tirer sur l’un d’entre eux. Laissant naître un climat de confiance entre les primates et le chasseur. La cohabitation fut pacifique. Tolè Mêla, s’érigea en leur protecteur. D’ailleurs les grimaces des singes lui ont permis de vaincre sa solitude. C’est donc ce chasseur qui a imposé à ses descendants la protection de ces singes. Il a même demandé à qui tuerait un singe de façon accidentelle de lui offrir une sépulture comme un humain.
Cette consigne a traversé les générations. Le mot est bien passé, car il a donné à ces singes un caractère sacré. Ils sont aujourd’hui l’attraction de ce village. Des personnes extérieures y vont rien que pour voir ces primates qui sautent de branches en branches. A en croire l’homme qui s’occupe de leur nourriture, c’est tôt le matin qu’ils sont plus visibles. Avec de la banane douce ou des graines d’arachides vous serez les biens venus à soko…
Texte : Mano