Rocard Yapo, le styliste des artistes
Avec un doigté presque magique, Rocard Yapo se révèle comme une étoile montante du stylisme en Côte d’Ivoire. Ses créations sont constamment portées en avant par de nombreux artistes, ce qui lui vaut le surnom bien mérité de «styliste des artistes.»
Né dans une famille où la couture a des racines profondes, Rocard a toujours eu une connexion spéciale avec ce métier. Son grand-père paternel était lui-même couturier, et cette passion a rapidement gagné son frère aîné. Malgré les réticences de son père instituteur à voir un autre de ses enfants embrasser cette carrière, le jeune Rocard a toujours nourri une attirance pour l’art de la couture. Discrètement, il s’adonnait à de petites expériences, assemblant parfois des morceaux de tissu, tout comme le font certains enfants. Cependant, rien ne laissait présager une carrière dans la mode à l’époque.
Rencontre avec le mannequinat
Les croyants diront qu’il n’y a rien de fortuit, et Rocard, guidé par ses convictions, estime que son parcours est le fruit d’un plan divin. Après le décès de son père en 2010, il décide de partir à Abidjan pour «se chercher», comme on le dit en argot ivoirien. Il se retrouve dans l’obligation de subvenir à ses besoins, et la pauvreté le guette. C’est alors qu’il décide un beau matin de se lancer dans le mannequinat, une passion qui le séduit. Il s’inscrit dans un institut de formation où il passera plusieurs mois à perfectionner ses compétences. Il plonge ainsi dans la vie active, une période qu’il apprécie car elle lui permet de faire ses premiers pas dans l’univers vaste de la mode.
Il multiplie les défilés, tant au niveau local qu’international, collaborant avec des créateurs renommés tels que Pathé’O et Alphadi. Après quelques années d’exercice, il atteint un tournant décisif dans sa vie. «J’avais l’impression de stagner, les opportunités se faisaient rares, et les difficultés ont refait surface.» Après une longue période d’introspection, il se résout à envisager n’importe quel emploi stable qui lui permettrait de prendre en charge. Puis, un songe nocturne change tout. Il se voit habiller des célébrités, même s’il n’a pas encore touché une aiguille.
Premiers pas dans la couture
Les moments de «galère» rappellent à Rocard Yapo qu’il possède un talent inné pour la couture. Une amie, ‘’Odo Marie’’, lui tend involontairement une opportunité en organisant un défilé de mode pour présenter des vêtements féminins. Elle lui confie la charge de l’organisation, et à deux jours de l’événement, il lui suggère d’ajouter une touche masculine et y associant un styliste homme à la présentation. C’est à ce moment qu’il propose ses services. Il apporte des créations de vêtements de plage pour hommes. À la grande surprise de tous, ses créations rencontrent un succès retentissant, et les commandes affluent. C’est ainsi que débute son aventure dans l’univers de la couture.
L’habilleur des artistes
Tout commence grâce à une amie mannequin et actrice, Chrystelle Tiemoko, qui travaillait sur un projet de pagne tissé. Elle le sollicitera et la collaboration est très appréciée. Peu de temps après, une autre perche lui est tendue. Il est contacté pour habiller les artistes du groupe de Zouglou VDA, à la demande du fiancé de son amie. Les artistes sont enthousiasmés par son travail. Ce sera ensuite, le manager de l’artiste Rico Hamaj qui fait appel à ses services. Puis, une nuit, le téléphone sonne, et c’est Serge Beynaud qui l’appelle pour participer à un tournage. En l’espace d’un mois, ils en réalisent quatre ensembles. Depuis, les sollicitations ne cessent d’affluer, avec des artistes tels que Youssoupha, Hiro, Kerozen, Ivy Dero, Meiway, Vitale, Charlotte Dipanda, Shan’l, et Emma Dobré…
Au-delà de sa créativité, tous sont séduits par son professionnalisme. Il se distingue en étant l’un des rares à respecter scrupuleusement ses rendez-vous avec les clients. Sa rapidité d’exécution, son humilité et sa chaleur humaine sont autant de qualités qui font de lui un styliste de renom. Outre les artistes, Rocard Yapo collabore avec des marques renommées telles qu’Uniwax, Woodin, et Vlisco, pour lesquelles il développe des collections d’une grande créativité.
L’inspiration coule à flots chez Rocard. Il puise dans sa culture, ayant grandi en milieu rural, ce qu’il associe à la culture moderne pour manipuler les matériaux à sa guise. Il conseille ses clients en fonction de leur morphologie, créant ainsi des pièces uniques pour chacun. Il se sent à l’aise à la fois dans la couture féminine et masculine, travaillant avec n’importe quel matériau. Il se définit comme un designer capable d’harmoniser les couleurs, de créer des effets «waouh» en mélangeant par exemple du pagne et des paillettes, et de façonner le look. C’est tout amusé qu’il nomme son style «jeune et frais.»
Casser les codes
Rocard Yapo souhaite insuffler une nouvelle dynamique dans la mode ivoirienne en bousculant les conventions vestimentaires établies. Pour cela, il a lancé une collection audacieuse intitulée «Le Bien et le Mal». Cette collection se distingue par l’association de tenues principalement blanches, confectionnées en grande partie avec de la dentelle, un tissu traditionnellement réservé aux tenues de dot. Avec cette création, Rocard cherche à rompre les préjugés associés à ces deux couleurs en y apportant sa touche personnelle, en utilisant des strass et des paillettes.
Il remet en question la perception du noir, qu’il considère comme une couleur polyvalente qui peut être portée en toute occasion, et non seulement en période de deuil. Poursuivant sa volonté de casser les codes, Rocard présente également une nouvelle collection intitulée «Paillette». Cette collection se distingue par l’utilisation prédominante de ce matériau généralement associé aux tenues féminines. Rocard défie ces stéréotypes en créant des tenues pour hommes. Il a l’ambition de présenter ses créations au-delà des frontières ivoiriennes.
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