Dr Bamba Fatoumata Touré : » La santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant est au cœur des priorités de l’État’’

En ce mois dédié aux mères, Dr Bamba Fatoumata Touré, Directeur Coordonnateur du Programme National de la Santé de la Mère et de l’Enfant (PNSME), revient sur les stratégies mises en œuvre pour améliorer la santé maternelle et infantile en Côte d’Ivoire. Anciennement Directrice Régionale de la Santé dans la région du Gbêkê, elle évoque dans cet entretien les actions du PNSME, les défis persistants, ainsi que les engagements internationaux du pays, notamment dans le cadre de la 69e session de la Commission de la Condition de la Femme à l’ONU.
1. Quelles sont les missions du PNSME ?
Créée par l’Arrêté N°133/MSLS/CAB du 20 mars 2015 à la suite de la fusion de la DC-PNSR/PF et de la DC-PNSI/SE, la Direction de Coordination du Programme National de la Santé de la Mère et de l’Enfant (DCPNSME) a pour mission de contribuer à la réduction de la morbidité et de la mortalité maternelle et infanto-juvénile.
Elle œuvre à travers la promotion d’interventions à haut impact, notamment dans les domaines suivants :
- Santé de la reproduction (incluant la planification familiale),
- Maternité à moindre risque (surveillance de la grossesse, accouchement, soins obstétricaux et néonatals d’urgence, soins après avortement),
- Survie et développement de l’enfant,
- Santé sexuelle et reproductive des jeunes et des hommes.
Le PNSME, programme transversal, collabore avec toutes les directions centrales, programmes et structures intervenant dans la santé de la mère et de l’enfant, sous la supervision de la Direction Générale de la Santé.
2. Quelles sont les mesures clés mises en place pour réduire la mortalité maternelle et infantile en Côte d’Ivoire ?
La santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant est au cœur des priorités de l’État. À travers le PNSME, plusieurs mesures innovantes ont été prises :
- Gratuité ciblée avec la prise en charge des enfants de moins de 5 ans, la gestion de la grossesse (consultations prénatales, accouchement, césarienne, etc.).
- Gratuité de la planification familiale, désormais accessible à toutes les filles et femmes depuis octobre 2024.
- Construction et réhabilitation de structures sanitaires rapprochant ainsi 80 % de la population d’un centre de santé (moins de 5 km).
- Implantation de blocs opératoires SONUC dans les centres urbains pour des soins obstétricaux de proximité.
- Interventions à haut impact : gestion de l’hémorragie du post partum par ballonnet à tamponnement intra-utérin, soins néonatals d’urgence avec ballon autogonflable, planification familiale post partum, soins mère Kangourou, PCIMNE, surveillance des décès maternels et périnatals, organisation en réseaux des structures SONU, etc.
3. Quelles sont, selon vous, les causes de la mortalité maternelle ?
Les causes médicales principales incluent :
- Les hémorragies ante partum, per partum et post partum ;
- L’éclampsie, souvent due à l’hypertension et au stress ;
- Les infections, notamment post-avortement.
Mais au-delà, trois types de retards expliquent cette mortalité :
- Retard décisionnel dans la communauté, souvent lié à un manque d’informations ou de ressources.
- Retard d’accès aux structures sanitaires, en raison de l’éloignement, du mauvais état des routes ou de l’absence de transport.
- Retard de prise en charge au sein des structures,
4. Quelles pourraient en être les solutions ?
Les solutions résident dans :
- La formation continue du personnel de santé ;
- La sensibilisation communautaire pour une prise de décision rapide ;
- L’amélioration de l’accessibilité géographique avec des structures de santé de proximité et des maternités SONUC ;
- La dotation adéquate des centres en équipements et intrants ;
- La gratuité des soins stratégiques pour lever les barrières financières.

5. Comment le PNSME s’assure-t-il que les programmes de vaccination atteignent efficacement toutes les zones du pays, notamment les zones rurales ?
La politique nationale de vaccination est mise en œuvre par le Ministère de la Santé, de l’Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle et exécutée par le Programme Élargi de Vaccination (PEV) pour la vaccination des enfants et des femmes enceintes en collaboration avec l’Institut National d’Hygiène Publique (INHP). Ces structures travaillent en parfaite synergie avec le PNSME. Le PEV quant à lui assure :
- L’approvisionnement régulier des centres de santé en vaccins et intrants ;
- L’organisation de séances de vaccination quotidiennes, en stratégies avancées (dans les villages) et mobiles ;
- Des campagnes de masse, comme celle contre le cancer du col de l’utérus ciblant les filles de 9 à 18 ans sur toute l’étendue du territoire.
6. Comment le PNSME collabore-t-il avec les communautés locales pour sensibiliser aux soins prénatals et postnatals ?
Le PNSME collabore avec les communautés locales pour sensibiliser les mères et les familles à l’importance de la santé de reproduction de façon générale mais particulièrement des soins prénatals et postnatals. Cette approche est renforcée par la Direction de la Santé Communautaire et de la Médecine de Proximité qui use de différentes stratégies :
- Implication des autorités politiques (Districts autonomes, Conseils régionaux) ;
- Collaboration avec les autorités administratives (Préfets, Sous-Préfets) et chefferies traditionnelles ;
- Engagement des leaders religieux (ARSIP) ;
- Sensibilisation des hommes à travers l’initiative de l’école des maris ;
- Approche multisectorielle (ANADER, Groupements Féminins, etc.).
7. Quels sont les mécanismes de suivi et d’évaluation mis en place ?
Le service de Suivi-Évaluation du PNSME, en collaboration avec la Direction de l’Information Sanitaire (DIS), collecte et analyse mensuellement les données relatives à la santé maternelle et infantile. Le système repose sur :
- Un circuit de l’information sanitaire pyramidal, du niveau communautaire au niveau central ;
- Des enquêtes nationales : Enquête Démographique de Santé (EDS), Enquête à Indicateurs Multiples (MICS), etc., pour évaluer l’impact réel des interventions.
8. Vous rentrez de New York, de l’ONU. Quel était l’objet de ce déplacement ?
Je représentais la Côte d’Ivoire du 10 au 21 mars, à la 69e session de la Commission de la Condition de la Femme (CSW69), organisée par le Conseil Économique et Social des Nations Unies (ECOSOC). Cette édition marquait les 30 ans de la Déclaration de Beijing (Beijing +30).
Les thématiques abordées concernaient :
- L’égalité des sexes ;
- L’autonomisation des femmes ;
- Les droits humains ;
- L’accès à l’éducation, à la santé, et la lutte contre la pauvreté ;
- La participation des femmes aux sphères politique, économique et sociale.

9. Quelles sont les retombées pour la Côte d’Ivoire ?
Cette participation a permis à la Côte d’Ivoire de :
- Mettre en valeur ses avancées en matière d’égalité et de santé des femmes ;
- Renforcer les partenariats bilatéraux et multilatéraux pour financer des projets structurants ;
- Promouvoir les femmes ivoiriennes de la diaspora ;
- Accroître sa visibilité internationale ;
- Obtenir des recommandations concrètes pour accélérer la mise en œuvre des engagements de Beijing ;
- Favoriser la coopération régionale, notamment avec les ministères de la CEDEAO et de l’Union Africaine.
Texte : Mano