A l’occasion de la fête des mères, la Rédaction d’Abidjan Planet a rencontré une spécialiste de la reproduction.
Pr Touré Ecra Ana, par ailleurs Gynécologue Obstétricienne a abordé des questions liées à la maternité.
Qu’est-ce qu’être mère selon vous ?
Être mère, c’est un concept. Ce n’est pas seulement avoir un enfant. Être mère, c’est être capable de donner de l’amour.
Pourriez-vous énumérer les voies pour devenir mère ?
Il y’a trois voies : la façon naturelle, quand ce n’est pas possible alors s’offre à nous la façon médicale, lieu d’intervention des spécialistes et enfin l’adoption .
Qu’est-ce qui explique que certaines femmes n’arrivent pas à procréer ?
Ce n’est pas la femme qui n’arrive pas à procréer, on parlera plutôt d’infertilité du couple. Mais, à l’occasion de la fête des Mères, vu que la femme est à l’honneur, elle sera mise en avant. On sait tous que pour avoir un enfant il faut passer par des rapports sexuels. La procréation est un processus, une machine qui doit être bien huilée. Dès lors qu’il y a un mécanisme qui est grippé, la machine s’arrête.
Qu’est-ce qui peut empêcher une femme de procréer ?
Cela se détermine par un bilan. Sur le plan anatomique, il faut que certains organes tels que le vagin, l’utérus, les trompes, les ovaires fonctionnent normalement. Il faut aussi un sperme normal. Mais, il arrive que des anomalies de fonction ou de forme surviennent. Dès lors, la procréation devient difficile parce que le mécanisme d’enfantement va se détériorer.


Quelles sont ces pathologies qui sont fréquemment mises en cause ?
On dénombre les maladies sexuellement transmissibles mal traitées ou diagnostiquées tard chez l’homme comme chez la femme. C’est d’ailleurs, la cause de nombreux cas d’infertilité en Afrique. On a également l’endométriose, et certains fibromes, les avortements, la liste n’est pas exhaustive.
C’est quoi le fibrome ?
Ce n’est pas un cancer, c’est une tumeur bénigne qui touche toutes les femmes avec une prédominance chez les femmes noires. A partir de 50 ans, la moitié des femmes de race noire se retrouve avec un fibrome. Selon la taille et la position dans l’utérus, le fibrome peut poser problème. Il y’a cependant des femmes qui accouchent bien que portant un fibrome. Un fibrome qui ne gêne pas on ne le touche pas.
Jusqu’à quel âge une femme peut procréer ?
Avec les méthodes modernes, il n’y a plus d’âge limite. L’âge limite est ce qu’on se donne ou ce que les médecins imposent compte tenu des risques encourus. A partir de 40 ans, quelque soit la méthode utilisée, cela devient des grossesses à risques. Parce qu’à cet âge, l’on est confronté à plus d’hypertension et plus de diabète. également à un nombre élevé de fausses couches. Ce qui fait que même avec les méthodes modernes, à partir d’un certain âge, les médecins sont moins enclins à les pratiquer. Sinon il n’y a plus d’âge pour avoir un enfant.
Des facteurs environnementaux sont-ils susceptibles d’entrainer l’infertilité ?
On parlera de modificateurs ou perturbateurs endocriniens. Ce sont des substances qui vont jouer sur certains organes ou les hormones. Ce qui va causer un peu plus de difficultés à enfanter.
Ces substances peuvent se trouver dans la nature. Certains corps de métiers seront plus exposés que d’autres à cause des pesticides, de leur exposition à la chaleur et/ou à leur longue posture assise ce qui à la longue va altérer la qualité des spermatozoïdes. Les excitants notamment le café, le tabac, la drogue, l’alcool jouent défavorablement sur la fertilité que ce soit chez l’homme comme chez la femme.
Peut-on traiter l’infertilité ?
Oui, l’infertilité se traite / peut se traiter. Il y a une panoplie de traitements qui existe et qui vont dépendre des causes. Il existe des cas où la cause de l’infertilité n’est pas identifiée c’est l’infertilité inexpliquée.
Le stress peut-il être intégré aux causes d’infertilité ?
Le stress a sa part. Il peut jouer sur l’ovulation. Prenons l’exemple des athlètes. On s’est rendu compte que la détonation produite lors du coup d’envoi des courses ramène des décharges au niveau du système nerveux. Ce qui agit sur la régulation du cycle menstruel des femmes.
A quel moment conseillez-vous aux couples un traitement contre l’infertilité ?
Au bout d’un an de rapports sexuels réguliers (au moins 2 rapports par semaine, on voit donc que le simple mode de fonctionnement du couple peut jouer sur la fertilité) non protégés et non fructueux (pas de grossesse). Pour les couples suivis avec traitement par un gynécologue au bout de 3 ou 6 mois de tentatives infructueuses consulter un spécialiste de la fertilité.
Qu’est-ce que la PMA ?
La Procréation Médicalement Assistée (PMA) est l’utilisation de certaines méthodes de laboratoire dans lesquelles on va manipuler les gamètes humains (spermatozoïde, ovule) afin d’avoir un bébé. Cela devient alors un couple à trois où le médecin intervient dans la procréation.
Pouvez-vous décliner ces techniques qu’utilise la PMA ?
On a l’insémination artificielle, qui consiste à recueillir les spermatozoïdes de l’homme et les introduire dans l’utérus de la femme.
Il y existe une autre technique plus élaborée par laquelle on recueille les ovules de la femme qu’on passe au microscope pour rechercher les spermatozoïdes de l’homme et les mettre en contact. Cette méthode s’appelle la FIV (Fécondation In Vitro). Ce sont là les deux grandes techniques. Il y en une autre qui est toute simple, c’est l’induction de l’ovulation. C’est à dire qu’on va pousser la femme à ovuler et ensuite avoir des rapports.
Toutes les femmes peuvent-elles recourir à une PMA ?
On parle plus d’éligibilité aux méthodes de PMA. Toutes les femmes ne peuvent pas bénéficier de toutes les méthodes. Cela va dépendre de la cause, de l’âge, de la durée de l’infertilité du couple. Toutes les femmes ne sont pas systématiquement orientées vers la PMA. La réponse est donc non, toutes les femmes ne sont pas éligibles à la PMA.
Ces techniques marchent-elles à 100% ?
Ici nous parlerons de pourcentage de réussite qui est de 25% pour les plus jeunes. Avec l’âge, ce pourcentage diminue.
Lorsque ça marche, quel est le mode d’accouchement ?
Tout dépend de la patiente. Si elle n’a pas de maladies qui peuvent créer des complications, l’accouchement se fait par voie basse.
Il faut mesurer le risque. Une grossesse obtenue par PMA n’entraîne pas obligatoirement la césarienne.
Combien de fois une femme peut-elle pratiquer une PMA ?
Pour l’insemunation, 4 à 6 tentatives pour certaines femmes sont recommandées par certaines écoles / selon les médecins. Au bout de ces tentatives s’il n’y a pas de grossesse, il est conseillé d’avoir recours à la FIV. 4 tentatives maximum sont conseillées pour la FIV parce qu’il est estimé que les meilleures chances se trouvent dans ces eaux-là. Tout de même ce sont de grandes quantités d’hormones qui sont administrées / injectées. Celles qui arrivent à faire congeler leurs embryons ont plus de chance de procréation avec moins de procédures.
Y-aurait-il des effets secondaires ?
Oui, il y en a. Si les signes de complications ne sont pas reconnus, ils peuvent donner lieu à des problèmes, d’où la nécessité de faire surveiller sa tentative par des spécialistes de la PMA qui peuvent reconnaître des signes d’alerte dès lors qu’ils s’installent.
Quid de l’adoption ?
Généralement en Afrique, la solidarité familiale joue un rôle très important.
Ainsi, les couples nouvellement constitués ou sans enfant se verront confier des neveux ou nièces pour d’une part, attirer des enfants dans ce foyer et d’autre part leur servir de progéniture. Pour l’adoption, je ne connais pas bien le circuit mais c’est une très bonne option, c’est une autre naissance, une autre façon d’être maman.
Abidjan Planet