Backyard Ultra : l’endurance sans ligne d’arrivée

Pionniers de la Backyard Ultra en Côte d’Ivoire, Isabelle Konaté (IK) et Alain Jolivet (AJ) ont introduit cette discipline d’endurance inédite dans le pays. Ils reviennent au cours de cet entretien sur son implantation, son essor fulgurant, les exploits des athlètes ivoiriens à l’international, et annoncent les contours de la 3e édition de cette course prévue en juin à Abidjan.
Présentez-vous !
IK : Isabelle Konaté, ivoirienne, 58 ans maman de trois enfants. J’ai toujours fait du sport, danse, équitation, course à pieds. Au fil du temps la course à pieds est devenue une vraie passion avec une préférence pour les courses longues distances. Dans la pratique de ce sport j’aime le partage et la convivialité que nous retrouvons chaque fois que nous faisons des sorties en groupe. Ce sport est un vrai canal de solidarité en plus de faire du bien à notre santé.
AJ : Je m’appelle Alain JOLIVET, français, 54 ans, en Côte d’Ivoire depuis septembre 2021. Je suis sportif depuis toujours, basketteur pour commencer mais depuis plus de 15 ans, je pratique régulièrement la course à pied. Je suis un adepte des courses d’endurance longue distance, plus particulièrement les ultra trails de montagne, tel que l’Ultra Trail du Mont Blanc ou la Diagonale des Fous sur l’Ile de la Réunion. Au-delà de courir, j’aime partager cette passion en organisant des courses là où je passe : le trail des Monts Mandingues au Mali, l’Ultra Trail des 2 Côtes au Sénégal.
Qu’est-ce que la Backyard Ultra et comment l’avez-vous découvert ?
IK : La Backyard est une course d’endurance extrême avec un concept assez original dans la mesure où vous courrez pour vous et vous seul. C’est à chaque fois repousser ses propres limites et découvrir sur soi-même.
Il faut effectuer une boucle de 6,7 km en moins d’une heure. Et repartir pour une autre boucle à chaque nouveau départ donné toutes les heures. Le « but du jeu » est de faire le plus de boucles possible. Si vous n’arrivez plus à faire la boucle en moins d’une heure ou si vous ne vous présentez pas à un des départs, vous êtes éliminés. A la fin il ne restera qu’un seul participant ; celui qui aura fait le plus de boucles. Mais que vous parcouriez une boucle, deux, vingt ou plus, c’est une belle victoire si vous avez été au bout de l’effort.
AJ : J’aime les courses originales et j’ai eu l’occasion de participer à une Backyard Ultra aux États Unis en 2022 où j’ai pu croiser la route du créateur de ce concept Lazarus Lake. En échangeant avec lui, je lui ai dit que j’allais organiser une Backyard en Côte d’Ivoire. C’est là qu’est né la première Backyard d’Afrique de l’Ouest. A mon retour, je n’ai pas eu beaucoup de difficultés à convaincre Isabelle, aussi attirée que moi par les nouveaux challenges, pour tenter l’aventure de l’organisation d’une Backyard à Abidjan.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de le lancer en Côte d’Ivoire ? Et depuis quelle année ?
IK : La course à pieds se démocratise en Côte d’Ivoire, la population prend conscience des biens faits du sport sur sa santé. Il n’est pas rare de voir des formats différents (5km, 10km, 21km, triathlon, run and bike, trail, marche active….) proposés les week-ends. Mais ce concept de course d’endurance longue distance, par élimination, et accessible à tous n’existait pas encore. Ce constat nous a alors convaincu que nous pouvions proposer cette course aux ivoiriens.
AJ : La première édition a donc eu lieu en juin 2023 dans la magnifique forêt du Banco. Plus de 100 coureurs ont participé à cette première édition avec plus de 19 nationalités représentées (un record international pour une Backyard).
Quels ont été les premiers retours du public et des athlètes locaux après les premières éditions ?
IK : La première édition a été un réel succès tant dans la participation que l’organisation. Les participants nous ont faits des retours extrêmement positifs, ce qui nous a encouragé à réitérer l’expérience les années suivantes.
AJ : Les participants ont apprécié le format de course original où il n’existe pas de ligne d’arrivée. C’est le coureur lui-même qui fixe cette limite. Ce format de course est personnellement challengeant. Beaucoup de coureurs reviennent l’année suivante avec pour objectif de battre son record personnel de tours parcourus. L’ambiance sur la base vie a été également fortement appréciée, la convivialité et le partage entre les coureurs avec le fait qu’à chaque tour, tous les coureurs redémarrent ensemble. Et avec la Backyard qui est de plus en plus connu à Abidjan, le public est de plus en plus nombreux à venir découvrir et encourager ces athlètes qui vont au bout d’eux même.
A quel type de coureurs s’adresse la Backyard Ultra ? Faut-il être un ultramarathonien ?
IK : Comme mentionné précédemment, la Backyard s’adresse à tous les types de coureurs dans la mesure où chacun se fixe ses propres objectifs de nombre de tours. Cela peut être plus de 20 tours pour les meilleurs mais aussi un ou deux tours pour ceux qui pratiquent moins de sport. Mais ces personnes ont pour nous autant de mérite que les coureurs les plus forts.
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AJ : Si vous voulez atteindre la barre mythique des 100 miles (160 km), il est clair que vous devez pratiquer régulièrement la course à pied. Mais sachez que la moyenne de tours effectués par les participants sur les Backyards en Côte d’Ivoire est entre 4 et 5 tours (un peu plus de 25 km). Vous pouvez être un coureur occasionnel (ou même un très bon marcheur) comme un coureur chevronné, cette course est faite pour vous. Les participants sont en général surpris de constater qu’ils sont capables de parcourir une distance beaucoup plus importante qu’il ne l’imaginait auparavant.
Que vient-on tester dans cette course : l’endurance physique ou la résilience mentale ?
IK : Je dirais les deux. En venant à la Backyard, si vous allez chercher vos limites, vous allez probablement aller au-delà de l’endurance physique que vous avez l’habitude de pratiquer. Mais ce qui va vous emmener encore plus loin, c’est effectivement la résilience mentale. Pour tous les coureurs, le dépassement de soi est souvent limité non pas par le physique mais très souvent par le mental qui vous fait abandonner. Les très bons coureurs de Backyard sont ceux qui arrivent à lutter le plus longtemps possible contre cette envie d’arrêter la course à tout moment.
« Le 19 avril dernier, vous faisiez partie des trois athlètes ivoiriens qui ont brillamment marqué l’édition de la Backyard Ultra à Beauraing, en Belgique. Que représente pour vous cette performance historique ?
AJ : Cette participation à la Backyard de Beauraing marquera en effet l’histoire de la Backyard « Ivoirienne ». Au-delà de ma satisfaction personnelle d’avoir dépassé mon objectif de 30 boucles, je retiens de ce voyage et de ce weekend plein d’émotions, cette incroyable performance d’Adele Al Khalil qui a parcouru 247 km en 37 tours et Marius Kouakou qui a réalisé l’impensable en parcourant 375 km pendant 56h. Ces deux athlètes de très haut niveau ont ainsi réussi à pulvériser les records d’Afrique de Backyard et réaliser la meilleure performance africaine féminine et masculine sur une Backyard Ultra. Avec Isabelle, nous n’aurions jamais imaginé qu’en 2 ans, la côte d’Ivoire pourrait être représentée aussi haut sur le plan international. Nous espérons que cela encouragera de nombreux ivoiriens et ivoiriennes à venir tester ce format de course. Nous restons persuadés que la Côte d’Ivoire a un potentiel énorme d’athlètes de haut niveau pour la Backyard Ultra.
Disposez-vous d’un accompagnement institutionnel ou de partenaires privés ?
IK : A ce jour, au niveau international, la Backyard Ultra est un label organisé par le fondateur Lazarus Lake. Ce n’est pas sous l’égide d’une quelconque fédération. Mais nous tenons à remercier le Ministre des Sports qui a chaleureusement reçu l’équipe de Côte d’Ivoire qui a participé à la Backyard en Belgique pour les féliciter et les encourager.
AJ : Plusieurs partenaires nous accompagnent dans cette aventure. Sans eux, difficile d’organiser un évènement de cette ampleur. A ce titre, nous voudrions remercier notre partenaire principal Eric Favre qui nous suit depuis le début mais également les sociétés Caderac, Air France, ICP et BIA qui sont d’un fort soutien ainsi que de nombreuses autres sociétés.
Vous préparez une nouvelle édition en Côte d’Ivoire ce mois de juin. Quelles seront les grandes articulations ?
IK : Oui le 7 juin prochain verra se dérouler la 3ème édition de la Backyard Ultra Abidjan au complexe hôtelier O’Bord près de Bingerville avec un parcours dans les palmeraies d’Eloka. Le départ sera donné à 15h précise. Au regard du niveau des participants cette année, il faudra probablement rester jusqu’à dimanche soir pour connaitre le vainqueur. Sur le site, de nombreuses animations seront proposées pour les accompagnants et le public. Et pour ceux qui ne pourraient pas se déplacer, un direct de la course sera diffusé en continu sur notre chaine YouTube et Facebook de la Backyard Ultra Abidjan.
Combien de participants attendez-vous ? Des étrangers ont-ils déjà confirmé leur venue ?
AJ : Le nombre des participants est en forte augmentation cette année avec plus de 160 participants inscrits. Cela montre l’engouement actuel pour cette épreuve. Nous aurons le plaisir d’accueillir le champion du Maroc, Mohamed Sahih (record à 37 tours) mais également plusieurs coureurs venus d’Europe.
Quelles conditions faut-il remplir pour participer à cette édition ?
IK : Aucune condition particulière n’est exigée pour participer à cette édition. Il suffit simplement d’être en bonne condition physique, d’avoir plus de 18 ans et de s’inscrire sur notre site web www.backyardultraabidjan.com.
Cette édition pourrait-elle être qualificative pour une épreuve mondiale ?
AJ : Cette épreuve est effectivement qualificative pour le championnat du monde par équipe de Backyard Ultra qui se déroulera au mois d’octobre 2026. Les 15 meilleurs coureurs ivoiriens des éditions 2025 et 2026 de la Backyard Ultra Abidjan seront sélectionnés pour intégrer l’équipe de Côte d’Ivoire à ce championnat du monde. Au même titre que Marius Kouakou, champion de Côte d’Ivoire au mois d’octobre 2024 et qui participera donc au championnat du monde individuelle de Backyard Ultra dans le Tennessee au mois d’octobre prochain, le meilleur ivoirien du championnat du monde par équipe au mois d’octobre 2026 sera également invité à participer au championnat du monde individuel de Backyard aux Etats Unis au mois d’octobre 2027.